Les mots de l'Or & collection
A la croisée des chemins entre la poésie et le conte, entre lyrisme et absurde, la collection Les mots de... explore ces créatures lettrées, leur étymologie, leur parcours linguistique ainsi que leurs sens cachés ou imaginaires. Dans le premier livre de la collection, le lecteur est invité à suivre les tribulations de l’Or. Une escapade de 28 mots, organisée en 4 chapitres. L’Or commence son voyage en première syllabe des mots qu’il visite (1er chapitre). Au deuxième chapitre, il se hasarde au-delà de leur première consonne pour ensuite s’enfoncer en leur cœur (3e chapitre). Il termine son itinéraire en dernière syllabe (4e chapitre) avant de disparaître. Extraits.
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Origine
L’Or s’aventure au seuil du premier mot. Il y va, certes, mais ne s’éloigne pas trop. Presque à reculons. C’est tout à fait naturel. L’Origine tend toujours vers son O-riginel ! D’ailleurs, l’on raconte que le mot serait né en verlan : Enigiro, selon un émérite émythologue. Pour résister à la fOrce d’attraction du dedans. Celle du O, trop souvent négligée par les lexicologues. Au noir Nigiro, le E s’oppose ! Il tire son bout de mot de l’autre côté. Malheureux ! Sais-tu donc à quoi tu t’exposes ? Tu seras préfixe centrifuge pour le reste de l’éternité ! Ainsi naquit l’Origine, une échappée hOrs du noir. Selon la savante équation d’un E-échappatoire ! Et Nigiro, alOrs ? Tout le monde en parle mais personne ne l’a vu ! Sans doute, à jamais, notre plus cher inconnu... En Ori, l’Or s’attarde encOre un peu. Origan, Orient, non ! Ce sera Orifice. Le mot plait tout de suite à son O mystérieux qui reconnait en lui un complice. Pour autant, l’Or demeure à la surface. Pour ne pas se faire avaler par la bouche, Oris, il l’embrasse. Il esquive le gouffre noir de justesse. Mais immanquablement, dans le conceptuel, perd consistance. Il avait pourtant préservé ses contours - quelle prouesse ! - Maintenant, sans lèvres, l’Orifice n’est plus qu’une ouverture condamnée au silence.
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Oreille
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Mais le silence aussi a sa terre ferme. L’Or, bien sûr, ne le sait pas. Il paraît qu’en son mot il renferme une île dont on dit qu’elle se sent seule parfois. L’Or n’a jamais traversé le mot, voilà tout. Puisqu’il est dans le sonOre, on ne peut pas être partout ! Toujours à l’Orée de quelques paroles, l’Or alité se tient sur nos lèvres, bien sage. Bientôt, à nos Oreilles, il remettra pied au sol afin de se frayer un passage. Vers les terres d’Oro, le grand Orateur ! Celui qui offrit des pieds à nos voix. Ou bien des pas à nos bouches, c’est selon les humeurs. Ce maître de la réthOrique est prodigieusement adroit ! En effet, son Oral manquait un peu de prestance. Il lui fallait un par-dessus. Un P pour faire parole et gagner en éloquence. Tout de suite, l’idée lui a plu. Et Oro acheva son oeuvre d’un revers de voyelle ! Du panache ! S’il vous plaît, pour l’amour des oreilles ! L’Or visite ce nouvel orifice. Dans les rigoles de l’auricule, il admire le paysage. Il se laisse glisser dans l’obscure précipice. Là-bas, sur l’hélix, Darwin et son tubercule. Te souviens-tu de cette Oreille pointue au doux pelage ? Et ainsi rêvassant, l’Or laisse derrière lui la chaîne du cartilage des anses. Au Sud, disparaît le plateau du lobule. Il s’enfonce dans la conque. Puis, dans les cavités rocheuses, il avance. Vers la spirale de la cochlée, un drôle de vestibule. Et l’Or de constater : “ L’Oreille a certes capturé mon son. Mais elle a aussi pris ma fOrme. Celle du R qui fait tourner en rond mon O, il s’enroule... qu’il ne s’endOrme.” Mais il faut avoir l’œil pour le remarquer. Un œil ? Justement, elle en a un - cela tombe bien, dans son mot, bien caché.
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A suivre : Orage, Orgueil, hOrizon, mOrose, cOrnemuse, aurOre, sémaphOre, trésOr,corridOr...
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